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Interview avec Alain Brobecker, auteur de LogiDingo
Nous vous proposons d’en savoir plus sur comment Alain Brobecker, enseignant de mathématique, à créé le jeu de mathématique LogiDingo visant à développer les capacités de raisonnement logique des enfants.
Dites-nous-en un peu plus sur vous-même?
Quel est votre parcours à la fois professionnel et personnel/intellectuel en rapport avec le jeu ?
Bonjour. J’ai un peu pratiqué le jeu de société étant jeune (Stratego, Cluedo…) avec des amis, mais c’est aux jeux vidéo que j’ai le plus joué. L’année du baccalauréat, je me suis aussi mis à la programmation en assembleur, ce qui peut être vu comme une forme de jeu et m’a sans doute aidé à acquérir beaucoup de rigueur dans ma réflexion.
Après mes études pour devenir professeur de Mathématiques (licence puis CAPES) j’ai été muté en Picardie et en septembre 2000 le club d’échecs de Chauny organisait une journée de découverte sur la place de l’hôtel de ville, avec notamment un fort joueur qui faisait des parties simultanées. C’est très impressionnant, il gagnait tout! J’ai alors commencé à jouer beaucoup aux échecs, suis devenu arbitre et président de club, et j’ai même commencé à composer des problèmes.
Vers 2009, avec des amis du club d’échecs, nous avons créé le Club Multijeux Chaunois qui s’intéressait cette fois aux jeux dit modernes : Carcassonne, 7 wonders, l’Âge de Pierre, etc…
C’est à peu près à cette période que j’ai dû commencer à faire quelques essais de création de jeux, mes amis du club servant de cobayes, les pauvres !
En 2013, j’ai créé un premier jeu de calcul mental, dont je me servais en classe, qui a trouvé un éditeur. Peu après, des jeux de réflexion à 1 joueur que j’ai créé ont plu à des éditeurs, contrairement à mes jeux multi-joueurs qui étaient bien mécaniquement, mais ne déchaînaient pas les passions.
Je me suis donc un peu spécialisé dans les jeux de réflexion solo.
Il faut noter que j’ai toujours adoré les énigmes Mathématiques et partagé cet attrait en organisant des clubs Maths au sein du collège ou en proposant toujours une énigme lors des devoirs (certains élèves aimaient tellement cela qu’ils commençaient par l’énigme, ce que je déconseillais au vu du barème, en général 1 point de bonus).
Pourquoi avoir créé LogiDingo ?
LogiDingo fait partie des jeux de logique/déduction.
C’est un genre qui est plutôt rare dans l’univers des jeux de société mais assez répandu dans :
- Le monde du papier crayon : sudoku, jeux de grille : http://abrobecker.free.fr/jeux/index.htm#jeuxdegrille
- Les livres de la bibliothèque Tangente : https://infinimath.com/librairie/detail-sousmenu.php?type=magazines&theme=22&soustheme=28#list
- Le world puzzle championship : https://www.worldpuzzle.org/wpf-archive/
Je dois pouvoir citer une dizaine d’exemples, mais guère plus.
C’est dommage, car lorsqu’on manipule des pions ou des cartes plutôt qu’un crayon, les enfants se permettent plus de choses (il y a un côté sacré de l’écriture qui peut bloquer).
Or les raisonnements utilisés dans les jeux de logique/déduction sont une vraie mine d’or pour la réflexion de chacun, pour réfléchir à plusieurs (il faut alors réfléchir à sa propre réflexion pour communiquer) et pour s’organiser.
J’étais abonné à Tangente Jeux dont je faisais les concours, et me suis mis à créer des jeux de logique avec des jetons plutôt qu’en mode papier crayon.
J’ai présenté la version pions de LogiDingo à François Guely, le patron d’Aritma, qui a beaucoup apprécié le jeu. Toutefois, un changement nécessaire était de n’utiliser que des cartes, même si on pouvait en varier le format. Au début, je pensais que cette contrainte était dommage, mais finalement, elle fut très bénéfique puisque nous avons alors pu introduire de manière très naturelle des raisonnements sur les bords de la grille.
Pour résumer, LogiDingo était en fait d’abord un jeu créé car j’aime les jeux de logique/déduction, et il rentrait parfaitement dans la gamme d’Aritma qui n’avait pas de jeux de ce type.
A qui le jeu s’adresse-il ?
À tout le monde! À partir de 7 ou 8 ans quand même.
Si on prend les défis dans l’ordre, je crois que nous avons bien travaillé la progression de difficulté avec l’équipe d’Aritma.
Au début, les défis introduisent les 5 types de raisonnement principaux les uns après les autres avec la solution détaillée d’un défi pour chaque et 3 autres défis d’exemple.
Puis, après cette première vingtaine de défis (19 en réalité) on trouve une trentaine de défis dans lesquels il faudra mélanger tous les types de raisonnements. La difficulté va alors d’intermédiaire à vraiment difficile (avec des amis scientifiques il nous a parfois fallu un quart d’heure pour résoudre certains défis, mais en explicitant parfaitement nos raisonnements).
Donc, quand je dis pour tous, cela signifie que le début est une vraie introduction aux jeux de logique/déduction et nous y avons apporté le plus de soin possible.
Pour l’anecdote, c’est mon seul jeu publié pour lequel l’éditeur a inclus les explications pédagogiques (que vous êtes libre ou non de lire). Pour d’autres jeux, je les ai mises sur mon site web.
Mais les experts de jeux de logique/déduction devraient aussi y trouver un défi assez intéressant.
Comment le jeu se positionne par rapport aux recommandations de l’éducation nationale ?
LogiDingo contribue à différences compétences au programme :
- Le développement du raisonnement logique/déductif.
- L’organisation de la réflexion en jonglant avec les différents type de raisonnement possibles.
- Un peu de calcul mental (additions, opérations à trous, décompositions…).
- La formalisation du raisonnement lorsqu’on résout à plusieurs (on comprend mieux lorsqu’on doit expliquer).
- La manipulation des tableaux à double entrée.
Quels ont été les choix structurants – qui font que le jeu est tel qu’il est ?
Et qu’est-ce qui a guidé ces choix (choix du format, choix des thèmes abordés, choix des mécaniques de jeu) ?
Comme dit précédemment, le format cartes a forcé une modification du jeu qui fut en fait bénéfique : une fois que les bords de la grille étaient des demi-cartes, nous avons pu alors rajouter beaucoup de raisonnements sur les bords qui auraient été plus compliqué sans.
Par exemple, si l’on sait qu’il y a au total 9 mammouths (astuce donnée en page 26), et que les deux premières demi-cartes du bord en indiquent 3 et 4, on trouvera le nombre de mammouths sur la dernière carte par une petite soustraction : 9-3-4=2. On peut maintenant placer une carte 2 mammouths à cet endroit.
La variante CréaDéfi a été ajoutée par l’éditeur, elle met alors les joueurs dans ma position de créateur de défis, mais sans l’aide de l’ordinateur. C’est une fort bonne idée même si je l’ai peu pratiquée (je préfère être sûr d’avoir une solution unique).
Un troisième point dont je suis très fier, est que j’ai écrit un programme informatique qui résout un défi de LogiDingo en utilisant des raisonnements “humains” (en fait des micro-raisonnements bien plus simples que ceux donnés dans le livret, mais lorsqu’ils sont combinés entre eux permettent de retrouver ceux du livret et un peu plus).
Cela m’a permis deux choses :
- Garantir que tous les défis proposés peuvent être résolus par des raisonnements uniquement.
- Évaluer la difficulté, car le programme m’indiquait aussi les méthodes de raisonnement qu’il utilisait. Ainsi, les défis intermédiaires ne mélangent que quelques types de raisonnements, alors que les plus difficiles font appel à tous les types de raisonnements.
Les solutions détaillées pour chacun des types de raisonnement sont un autre motif de fierté.
C’est assez rare dans les jeux (je mets parfois des dossiers pédagogiques sur mon site web, mais directement dans la boite c’est tellement mieux). Cela a demandé beaucoup de travail avec Aritma pour s’assurer que les explications étaient les plus claires possibles, je crois que c’est assez réussi !
Quel est votre retour d’expérience d’utilisation du jeu avec votre classe ou dans d’autres contextes ?
En classe, je l’ai utilisé lors de séances en demi-classes avec d’autres jeux de réflexion en solitaire (en général je n’ai qu’un exemplaire de chaque jeu).
Ces séances sont très appréciées des élèves !
Je crois qu’il faudrait leur accorder davantage de place, car les élèves apprennent énormément (ils sont très motivés, chacun peut aller à son rythme, les camarades n’ayant pas le même jeu cela devient un enjeu personnel), ils peuvent développer une pratique de certaines compétences (par exemple acquérir une vision géométrique avec des jeux de pavages dans lesquels il faut faire tourner les pièces dans tous les sens).
Malheureusement, il y a les programmes qu’il faut finir, donc ces séances n’étaient pas assez fréquentes. Mais je crois que de plus en plus d’enseignants sont convaincus du bien-fondé d’utiliser des jeux de réflexion en classe.
Lors des festivals, le jeu est bien apprécié. J’ai parfois une personne qui veut commencer par le dernier défi. Au bout de quelques minutes, elle accepte en général de revenir en arrière ! 😉
Lorsque je sens que j’ai affaire à des experts, je propose de résoudre ensemble un défi difficile (46 et plus) mais en expliquant le raisonnement avant de poser une carte.
Comment recommanderiez-vous d’utiliser LogiDingo : en classe, en remédiation (si adapté), à la maison, en orthophonie, en animation/ludothèque ?
Une chose est sûre, il faut être au calme (par exemple, tout le monde joue à un jeu de réflexion) et avoir une grande table. Je crois qu’ensuite le jeu se prête à toutes les situations décrites ci-dessus, avec l’aide d’une personne expérimentée si besoin.
Dans le cas d’un jeu à plusieurs, il est important de bien s’écouter.
Si les niveaux de résolution sont très différents, il faut que le plus expérimenté soit patient et s’efface pour permettre à l’autre joueur d’être le meneur de jeu, et ne venir que pour donner un coup de pouce (idéalement en posant une question: “est-ce qu’on peut savoir combien il y a de mammouths ici ?”, etc.).