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La place du jeu au XVIIIème siècle chez les pédagogues « de terrain »
M. De Vallange, puis d’autres pédagogues inventent au cours du XVIIIème siècle des jeux éducatifs imprimés (estampes sur bois) pour enseigner la lecture et le latin. Leurs approches sont déjà variées, allant de l’apprentissage des sons, de la grammaire, jusqu’à des ébauches de “méthode globale” d’apprentissage de la lecture.
Rappelons tout d’abord que l’éducation et l’instruction sont encore le privilège des classes supérieures, bien souvent aux mains de précepteurs, même si la démocratisation de l’éducation est en route.
C’est donc vers des pédagogues privés que nous allons nous tourner pour découvrir des expérimentations innovantes.
M. de Vallange
Et tout d’abord, il y eut M. de Vallange. On possède peu d’informations biographiques sur lui – mais les recherches de James Guillaume nous ont permis de mieux comprendre l’homme et sa méthode.
Il semblerait qu’il ait passé huit années à la cour en tant que gouverneur d’un jeune seigneur.
Dès le début du siècle, il proposa une réforme complète de l’enseignement dans une publication intitulée Plan général, parue en 1719. Ses principes éducatifs se retrouvent dans les traités qu’il a écrits et réunis sous le titre L’ Art d’élever les jeunes princes dès le berceau (Paris, 1732).
Il y affirme que le l’éducateur doit associer l’étude et le jeu. Il met la notion de plaisir au centre des apprentissages.
Ainsi, il imagine un « alphabet hiéroglyphique » pour favoriser l’apprentissage de la lecture de manière divertissante et sans que les enfants s’en aperçoivent. L’idée est assez novatrice ; elle consiste à associer chaque lettre à un dessin. Par exemple, le « a » est dessiné sur la tête d’une petite alouette, et le « i » sur celle d’une « irondelle ». Vallange part du principe qu’il est plus facile, car plus « amusant », de retenir d’abord le nom de l’objet dessiné, puis celui de la lettre qui lui est associée.
Dans le même ordre d’idée, il reprend à son compte une « grammaire latine en jeu de cartes », imaginée dès le XVIème siècle par Mathias Ringmann.
Puis il explore les aspects kinesthésiques et auditifs de la mémoire. Il invente une « grammaire latine digitale » (qui s’apprend « en badinant avec les doigts »), et une « grammaire latine musicale », qui a pour ambition d’apprendre le latin en chantant (Jeux et divertissemens propres à enségner le latin aux enfans en les divertissant, Paris, 1730).
Les jeux éducatifs imprimés se développent
L’idée d’utiliser des supports imprimés pour inventer des « jeux de lecture » sera reprise tout au long du XVIIIème siècle, d’autant que la gravure sur bois rend moins fragiles ces objets.
Dans Le quadrille des enfants (1745), l’Abbé Bertauld invente des cartes représentant les 88 sons fondamentaux de la langue française à travers des objets familiers (le « lit », le « nez », un « bas », …).
L’Abbé Louis Dumas, quant à lui, va jusqu’à créer le « bureau typographique », sorte de longue étagère comportant de nombreux compartiments sur trois niveaux dans lesquels l’enfant trouve des cartes où sont imprimées les lettres détachées qui vont lui permettre de former des mots. Il s’agit parfois tout simplement de véritables cartes à jouer (très populaires à l’époque), au dos desquelles l’on aura dessiné les lettres.
Puis, dans la deuxième moitié du siècle, des pédagogues tels que l’Abbé de Radonvilliers et le grammairien Nicolas Adam prennent le contre-pied de la méthode syllabique et affirment qu’il vaut mieux enseigner la lecture en partant de la représentation de mots entiers : « Eloignez d’eux les alphabets et tous les livres français et latins, amusez-les avec des mots entiers à leur portée, qu’ils retiendront bien plus aisément et avec plus de plaisir que toutes les lettres et les syllabes imprimées. » (Vraie manière d’apprendre une langue quelconque, Paris, 1787).
On le voit, la querelle entre méthode syllabique et méthode globale ne date pas d’hier !
Mais ce qu’il faut retenir, comme dénominateur commun à cette époque, c’est le souci d’aider l’enfant dans ses apprentissages grâce à des méthodes ludiques.
>> Exemples de jeux pédagogiques au 18 ème siècle
M. de VALLANGE
Ecrivain pédagogique français, né vers 1660. Il passe huit années à la cour en tant que gouverneur et propose une réforme complète de l’éducation visant à l’ouvrir à toutes les catégories sociales. Les enfants seraient néanmoins répartis dans différents établissements, en fonction de leur âge et de leur origine.
Vallange a beaucoup fait avancer la réflexion sur les aides à l’apprentissage, et l’utilisation du jeu en pédagogie.
Mathias RINGMANN
Pédagogue, poète, géographe et humaniste alsacien (1482-1511). Un des précurseurs du jeu pédagogique appliqué à la grammaire, qui ne connut cependant pas un grand succès de son vivant. C’est lui qui baptisa le nouveau continent « América ».
Abbé BERTAULD
Pédagogue, responsable d’une institution pour jeunes gens. Inventeur d’une méthode de lecture basée sur un procédé mnémotechnique.
Abbé Louis DUMAS
Pédagogue nîmois (1676-1744), instructeur des enfants de la famille royale, il écrit La bibliothèque des enfants, ou les premiers éléments des lettres (1733) en application de sa méthode de lecture syllabique.
Abbé de RADONVILLIERS
Grammairien français (1709-1789). Pour lui, la lecture et l’écriture sont des « arts pratiques », qui doivent s’apprendre par l’exercice, et non en partant de la théorie. Il propose d’appliquer cette approche à l’étude des langues modernes (De la manière d’apprendre les langues – 1803).
Nicolas ADAM
Précepteur français (1716-1792). Il développe une méthode globale pour l’apprentissage de la lecture : La vraie manière d’apprendre une langue quelconque, vivante ou morte, par le moyen de la langue française, 1787.